Discours de Jean-Felix Vallat prononcé ce vendredi 5 juillet 2024:
Monsieur le directeur de cabinet de Mme la secrétaire d’Etat aux anciens combattants et de la mémoire, chargée des rapatriés : Thierry LAURENT
Monsieur le directeur adjoint de l’Office National des Anciens combattants et des Victimes de Guerre, chargé des rapatriés : Général Eric MAURY
Mesdames et Messieurs les parlementaires (Madame la députée Michèle Tabarot, Monsieur le sénateur Philippe TABAROT, Mesdames et Messieurs les élus régionaux, départementaux : François Marie DIDIER, (mairie de Paris)
Messieurs les représentants de l’association des soldats disparus en Algérie SOLDIS : Général Pascal VINCHON
Messieurs les représentants du Président du Secours Français : M. Paul LUNG
Mesdames et Messieurs les Présidents d’associations de rapatriés et de harkis ou leurs représentants et leurs amis métropolitains,
Mesdames et Messieurs,
8 avril 1962 : le peuple français par referendum adoptait à 90,6 % des suffrages exprimés les accords d’Evian signés le 18 mars avec un cessez-le feu fixé au lendemain. En procédant à cette consultation, le Président De Gaulle a ignoré avec superbe l’avis négatif du Conseil d’Etat selon lequel, en excluant du corps électoral les citoyens des 15 départements français d’Algérie-Sahara, la constitution avait été gravement transgressée.
En effet, conformément à l’article 3 de la Constitution sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. Cette disposition traduit en termes simples un principe cardinal de la République : la souveraineté du peuple est indivisible et aucune fraction de celui-ci ne peut s’approprier son exercice.
1er juillet 1962 : un referendum organisé en Algérie ratifie les accords d’Evian avec 99,72 % des suffrages exprimés. Ce score, semblable à celui obtenu dans les pays ou la démocratie est un simulacre, comporte un résultat affaibli par l’exode progressif des européens (450.000 départs en mai-juin) et le déchainement des violences (469 civils européens assassinés par le FLN après le 19 mars et 651 civils portés disparus entre la même date et le 1er juillet.
5 juillet 1962 : c’est Oran qui bascule dans l’épouvante. Dans la passivité coupable de l’armée française dans le Grand Oran, c’est 353 personnes disparues, 362 personnes dont le décès a été constaté, et en tenant compte des cas incertains, on dénombre 700 victimes européennes disparues ou assassinées au cours des journées dramatiques d’Oran entourant la célébration de l’indépendance par le FLN.
Le président de la République à l’Elysée le 26 janvier 2022, en recevant les rapatriés d’Algérie, a déclaré que le massacre du 5 juillet 1962 devait être regardé en face et reconnu.
Je fais mienne cette perspective et souhaite sa mise en œuvre pour apaiser la souffrance des familles des enlevés, ni morts ni vivants, ensevelis dans les limbes d’un inacceptable oubli.
Pour les tenants d’un anticolonialisme fanatique et sans nuance, pour qui le FLN avait toute légitimité pour utiliser la violence la plus extrême alors que les européens d’Algérie devaient s’abstenir de toute résistance à l’expulsion de leur terre natale, le 5 juillet est un épisode accessoire. En revanche ils se réjouissent de l’adoption par l’Assemblée nationale de la résolution du 24 mars 2024 demandant au gouvernement la création d’une journée annuelle de commémoration de la répression brutale de la manifestation algérienne du 17 octobre 1961 à Paris.
Les rapatriés qui sont les survivants ou les héritiers de cette France de l’autre côté de la Méditerranée sont fondés, sans esprit de revanche mais avec la force de leur bon droit, de souhaiter que la reconnaissance par le Chef de l’Etat du massacre du 5 juillet 1962 aboutisse à la création d’une journée nationale dédiée à tous les disparus, civils, harkis et militaires de la guerre d’Algérie.
Enfin, nous avons choisi cette date symbolique du 5 juillet pour ouvrir officiellement au public internaute l’accès au site "Graines de Mémoire". Ce beau projet est le fruit d’une collaboration de plus de deux ans entre le GRFDA (Groupe de Recherche des Français Disparus en Algérie), la MAFA (Maison des Agriculteurs et des Français d'Afrique du Nord), et l’Association Soldis Algérie, avec le soutien sans faille de la Fondation pour la Mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie pour sa conception et sa mise en œuvre. Nous remercions également les donateurs qui ont permis la finalisation du projet, particulièrement le ministère des Armées, la Fondation pour la Recherche Historique sur l’Algérie et l’Afrique du Nord (FRHA), le Secours de France ainsi que d’autres nombreux donateurs, associations ou particuliers. Cette initiative a pour vocation de mettre à l’honneur les victimes militaires et civiles français d’Algérie durant le conflit de la guerre d'Algérie, afin que leurs noms ne soient jamais oubliés. Site interactif, comprenant des documents certifiés par des institutions nationales et internationales, il met à disposition une plateforme innovante dédiée aux personnes disparues pour faire connaitre leur souffrance en y accédant à partir de n’importe quelle région du monde. Il a également l’ambition de leur apporter une sépulture digitale qui permettra à leur famille d’aller s’y recueillir.
N’oublions jamais !