
François nous a quitté.
Ce terrible constat devrait nous contraindre à garder le silence dans ce moment de recueillement qui nous unit. Je voudrais pourtant vous parler de lui, de sa marque et de sa trace qui pour moi s’expriment dans quatre termes : engagement, fidélité, intelligence et gentillesse, qui n’est pas une vertu tiède. François était un pilier de nos associations, un défenseur infatigable de notre cause et un modèle de dévouement.
Ainé d'une fratrie de trois enfants, François Carrega, est né en 1950 à Rio-Salado, à 60 kms d'Oran, dans une famille d’agriculteurs viticulteurs. Il connut comme beaucoup d’entre nous ici le déchirement du rapatriement et de l’exil ainsi que l’accueil peu fraternel de notre pays la France. Il en garda à jamais une blessure inguérissable. Rapatrié avec les siens en 1962, il fait de brillantes études à Aix-en-Provence, puis intègre l'ESSEC, grande école de commerce réputée pour son excellence académique, son rayonnement international et son expertise en finance. Dès la fin de ses études, après un passage dans le cabinet d’expertise comptable Castel Jacquet il entre dans le célèbre cabinet d’affaires américain "Ernst & Young » dont il deviendra rapidement un des plus jeunes associés. A la fin de cette brillante carrière et ne voulant pas, comme il me le disait « pantoufler », i s’implique auprès de la famille Wendel comme directeur général délégué chez Wendel Participations où il a découvert et apprécié les arcanes de l’investissement familial et le monde des « family offices », fonctions qu’il occupait jusqu’à son décès.
Très attaché à ses racines et à l’amour qu’il a toujours porté à son pays d’enfance, il était retourné récemment en Algérie avec ses enfants, voyage dont chacun reviendra bouleversé.
L’homme de bien qu’il fût ne pouvait se contenter de se consacrer exclusivement à sa profession. Son engagement dans le malheur de nos compatriotes fut remarquable : Vice--Président et contrôleur des comptes de la Maison des Agriculteurs et des Français d’Afrique du Nord (MAFA), Vice--Président et contrôleur des comptes du Groupe de Recherche des Français Disparus en Algérie (GRFDA), longtemps administrateur du Centre de Documentation Historique sur l’Algérie (CDHA), administrateur et membre du Comex de la Fondation pour la Recherche Historique pour l’Afrique du Nord (FRHA), sa fidélité au peuple français d’Algérie fut constante jusqu’à ses derniers moments. Il nous accompagna avec courage et discernement dans nos combats, exerçant sa quête inassouvie de reconnaissance pour les malheurs et les monstrueuses injustices que nous avons subies, ainsi que la recherche de solutions aux difficultés économiques et sociales de certains de nos membres, notamment pour nos familles d'enlevés portés disparus et nos pupilles de la Nation.
Engagement également au sein du groupe MONCEAU, groupe de mutuelles d’assurances agricoles créée en 1905 en Algérie et réinstallé en France en 1962. Reprenant le poste d’administrateur de son cousin Jean Pierre SEROIN, il s’engagea comme administrateur d’une filiale du groupe, l’UGP.
François était doté d'une intelligence exceptionnelle, capable de comprendre les enjeux complexes et de trouver immédiatement des solutions innovantes, toujours avec son sourire discret qui semblait vouloir excuser nos lacunes.. Il fut d’un soutien constant dans notre action, partageant nos déceptions ou heureux de nos avancées. Tolérance, respect des opinions différentes des siennes, attention portée aux problèmes humains, humour indéfectible étaient ses qualités, un « honnête homme » au sens plein du terme.
François est parti brutalement le 2 juin. Sa mort est un choc, une perte immense pour nos associations, pour nos vies et pour nos cœurs.
Ta fidélité à notre cause sera toujours une source d’inspiration pour nous, repose en paix, ami, nous te regretterons éternellement.
Jean Félix VALLAT, le 18 juin 2025