24 novembre 2017 - Eugène Bellet, l'homme qui a redonné vie au Bréguet XIV

Par Le 24/11/2017

Eugène Bellet, 75 ans, a construit de A à Z le seul Bréguet XIV en état de voler dans le monde. Pas mal pour un fils d'ouvrier qui n'a jamais travaillé dans l'aéronautique.

Eugène Bellet n'a jamais travaillé dans l'aéronautique. Professeur de mathématiques, il a dirigé pendant de nombreuses années le Centre de rééducation des invalides civils (CRIC) à Toulouse./Photo DRPour Eugène Bellet, construire des avions relève de la seconde nature. À l'âge de 15 ans, il dessine son premier aéroplane. Il se lance dans l'aéromodélisme et dessinera une centaine d'avions en 10 ans. Bien des années auparavant, dans le désert algérien où il est né en 1941, il fabriquait déjà des biplans avec des roseaux. «C'est peut-être dans l'inconscient. Il n'y avait que très peu d'avions dans mon ciel d'enfant. Alors forcément, cela a créé une envie. Tout petit, j'étais déjà fasciné par les oiseaux.»

En 1992, en revenant du rallye aérien Toulouse-Saint-Louis-du-Sénégal, qu'il dispute pour la sixième fois, Eugène Bellet lance une idée. L'État français a décidé que l'année 1993 serait celle de Latécoère. Alors, pour célébrer les célèbres lignes empruntées par Saint-Exupéry, Mermoz ou Guillaumet, il veut construire un Bréguet XIV. L'avion emblématique de la Première guerre mondiale a été construit à plus de 8 000 exemplaires, mais plus un seul n'est en état de voler. «Il me semblait qu'on pouvait le faire en un an. Au final, la construction durera 11 ans. Et il faudra 6 ans de plus pour l'autorisation de voler». En 2009, les membres de l'association Bréguet XIV inaugurent le F-POST. En 2010, Eugène Bellet réalise un vol Toulouse-Cap Juby-Toulouse aux commandes de son «bébé», en 51 heures, avec son ami pilote Luc Gimazane, complice de la première heure du projet. C'est, encore aujourd'hui, le seul Bréguet XIV en état de voler dans le monde.

Mais qui est donc ce constructeur d'avions compulsif ? Quatrième d'une fratrie de six, père ouvrier et mère femme de ménage, Eugène ne grandit pas dans l'opulence. «Mes parents n'ont jamais surveillé que je fisse bien mes devoirs. Ils nous faisaient confiance.» La passion du petit Eugène ? Les chiffres, les droites, les courbes. «Quand je fais des maths, je me sens bien». Une connaissance qui va l'aider à établir des plans d'avions. Mais aussi, plus tard, à construire sa maison. Puis celle de ses parents, chemin du Grillou à Tournefeuille. «Les deux y sont toujours, même si moi, je n'y suis plus». Tout au long de son existence, Eugène Bellet n'aura de cesse de se lancer des petits défis. «Vous imaginez quelque chose, et vous essayez de le réaliser». Reconstruire une moto, apprendre à piloter, rejoindre la famille en Ariège à vélo, au départ de Toulouse. Sans parler des championnats de pilotage de précision, des multiples rallyes aériens. Et pourtant, l'aviation n'a jamais été son métier. À son arrivée en France, en 1962, Eugène Bellet termine sa formation de professeur. En 1964, il débute au CRIC. Quatre ans plus tard, il est nommé directeur de cet établissement de la Croix de Pierre à Toulouse, spécialisé dans la formation des invalides civils. Il n'a que 27 ans. «Certains amis de longue date ne le savent pas, mais je n'ai jamais travaillé dans l'aéronautique», rit le génial touche-à-tout. Eugène Bellet fera carrière dans cet établissement qu'il développera dans la région, et dans lequel il verra passer des milliers d'âmes au corps brisé. Au milieu des années 2000, son métier rejoint sa passion. Il croise Dorine Bourneton, toulousaine d'adoption. Colonne vertébrale brisée par un accident d'avion, la jeune femme deviendra plus tard championne de voltige aérienne, grâce à sa volonté hors normes et à un système de pilotage unique, mis au point par... Eugène Bellet. Ou quand la générosité de l'inventeur rencontre sa passion de l'avion. Tout partit d'un oiseau, dans le ciel de Mascara...


Des hommes et onze ans de labeur

Le Bréguet XIV F-POST n'est pas l'affaire que d'un seul homme. Eugène Bellet a su s'entourer de spécialistes de la construction aéronautique pour reconstruire le Bréguet XIV : Luc Gimazane (école aéronautique Occitane), Daniel Vacher (ingénieur au CEV Toulouse), Gérard Desimone (technicien au CEV Toulouse), Jacques Latouille (CEAT Toulouse), Michel Barbie (Latécoère), Roger Ciryci (ENAC), Bernard Ceolatto et Léo Chagnes (Société Star Lasbordes). L'association a également fédéré autour de ce projet une quinzaine de bénévoles, cadres, techniciens, actifs et retraités. Élèves et stagiaires de cinq lycées techniques et professionnels de la région, de centres de formation pour adultes, du centre de formation professionnelle pour personnes handicapées (CRIC), et cinq élèves ingénieurs de Supaéro. C'est aujourd'hui Sébastien Poncin le président de l'association. Stationné à Castelsarrasin, l'avion sort régulièrement à la rencontre du grand public.

 

Article écrit par Cyril Doumergue, paru dans La Depêche le 4 décembre 2016.

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