Massacre d’Oran : Jean-Félix Vallat exhorte Paris et Alger à commémorer les Européens morts en Algérie
ENTRETIEN. Président de la Maison des agriculteurs et des Français d’Afrique du Nord (Mafa), pied-noir orphelin de parents assassinés par un commando du Front de libération nationale (FLN), Jean-Félix Vallat dénonce la rancoeur mémorielle hypocrite du pouvoir algérien et invite ses représentants à venir honorer les victimes européennes du 5 juillet 1962, à Paris.
Par Victor Eyraud
Publié le 17 mai 2025
Valeurs actuelles. Vous êtes venu au rassemblement du Comité de soutien international pour Boualem Sansal devant l’ambassade d’Algérie ce vendredi 16 mai. Avez-vous, en ce jour marquant le sixième mois de captivité de l’écrivain franco-algérien à Alger, l’espoir d’une prise de conscience collective ?
Jean-Félix Vallat : Nous sommes ici, bien évidemment, pour soutenir notre ami Boualem Sansal, emprisonné depuis plus de 180 jours en dépit de tout droit humain. Dans cette tragédie, il y a peut-être cet espoir que le peuple français découvre, enfin, après soixante ans de mensonges et de manipulations, la réalité du pouvoir algérien.
Vous dressez le portrait d’un gouvernement algérien corrompu depuis ses origines, bien avant l’arrivée au pouvoir d’Abdelmadjid Tebboune…
Tout remonte jusqu’au FLN, maintenu au pouvoir depuis 1962 par la succession de tous ces présidents qui se sont appuyés sur le terrorisme contre les populations d’origine algérienne et d’origine européenne pour arriver aux drames que nous connaissons aujourd’hui – de la même manière que le Hamas l’a utilisé contre Israël.
Je peux parler du terrorisme du FLN droit dans leurs yeux. Je n’ai aucune leçon à recevoir de leur part. Je n’étais âgé que de huit ans quand mon père et ma mère ont été assassinés devant moi par un de leurs commandos. Je connais leurs méthodes.
Le pouvoir algérien s’est imposé par le terrorisme pour “gagner” l’indépendance de l’Algérie, soi-disant pour donner la liberté à son peuple. Il a en réalité provoqué une catastrophe économique majeure – tous les jeunes algériens veulent quitter ce pays où le chômage atteint des limites insupportables – et piétine aujourd’hui la liberté d’expression sans commune mesure. Le malheur de Boualem Sansal permet au peuple français de voir le vrai visage de ce gouvernement corrompu, incapable, qui n’a pour justification de son incurie que la haine de la France.
Peut-on espérer sortir un jour de cette rancœur mémorielle institutionnalisée ?
Pour la comprendre, il faut le reconnaître objectivement : la présence française en Algérie n’a pas engendré que du bon, loins de là. Il y a eu de la torture, il y a eu des massacres. Personne ne le nie. Mais il y en avait des deux côtés. Pourquoi ne le dit-on jamais ?
Pourquoi l’Algérie refuse-t-elle les mains tendues par la France depuis 10 ans ? Pourquoi n’accepte-t-elle pas de suivre Emmanuel Macron dans sa tentative d’apaiser les choses, une bonne fois pour toute, en plongeant dans le passé pour étudier, objectivement, des deux côtés, ce qu’il s’est passé, ce qui a blessé ?
Une délégation de parlementaires français de gauche et du centre s’est rendue en Algérie ce 8 mai pour rendre hommage aux morts de Sétif. Est-ce une vaine et naïve tentative de “renouer le dialogue” ?
N’oublions pas que cette répression de Sétif, extrêmement brutale, votée par le Parti communiste et le Parti socialiste, est provoquée par l’assassinat de civils européens… mais peut-être ces parlementaires sont-ils de bonne foi. Je leur lance donc un appel.
Nous organisons nous-mêmes, tous les 5 juillet, une manifestation d’hommage devant les colonnes du quai Jacques Chirac où sont exposés les morts de la guerre d’Algérie – militaires, harkis, disparus, civils reconnus morts pour la France.
Nous y rappelons l’existence du massacre des Européens qui a eu lieu le 5 juillet, à Oran, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. 700 civils européens y ont été massacrés, ensevelis dans des charniers, jamais retrouvés. Personne ne le sait, personne ne le reconnaît. Nous le commémorons le 5 juillet.
Alors, je demande à ces députés et sénateurs français de se joindre à nous le 5 juillet, devant les colonnes du quai Branly. Nous écrirons également au président de l’Assemblée nationale algérienne pour inviter les parlementaires algériens à venir commémorer avec nous. Nous verrons alors où se trouve la bonne volonté, la reconnaissance de ce qui s’est réellement passé, l’envie d’en finir avec le mensonge.