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8 juin 2013 - Intervention du général François Meyer lors du colloque du 14 mars 2013
Le 23/10/2015
Dans Actualité de la MAFA
« Les Harkis, promesses et abandon ».
Général François Meyer :
J’évoque ici brièvement la situation des harkis en 1962, en soulignant les promesses faites – elles expliquent leur fidélité – et la réalité de l’abandon final au moment des accords d’Evian.
Permettez-moi de rappeler ce qu’était l’engagement des harkis aux côtés de l’armée, ceci pour bien saisir la réalité de leur drame en 1962.
C’est beaucoup pour protéger leurs familles de l’incontournable terreur du FLN que les harkis ont pris les armes. En février 1958, lorsque le recteur de la mosquée de Géryville est assassiné, tous ses parents et quelques grandes familles rejoignent alors sans hésiter les harkas et les régiments voisins. Et depuis cinquante ans, quand je demande à l’enfant d’un harki le pourquoi de l’engagement de son père, il me répond le plus souvent : « l’assassinat d’un frère ou d’un parent ».
Connaissant bien la population, leur terrain, les usages, les harkis étaient évidemment de précieux auxiliaires. C’étaient aussi des courageux. (3.100 morts dans les combats) Dans les rapports où l’on cite les accrochages, la part de l’engagement harki n’apparaît pas souvent. Dans plus d’un cas, pourtant, c’étaient eux qui, répartis entre les unités, avaient suivi des traces en tête, et avaient conduit aux caches ou à l’adversaire.
Le vrai ciment de ces harkas, c’était la confiance. Confiance dans le chef, dans le père, celui qui de tradition soutient la tente ou marche devant, celui qui choisit la route et tient parole. La confiance réciproque, aussi. Et ce furent également des fidèles. 0,4% de déserteurs en 1960.
Aujourd’hui que les témoins ne sont plus là, on dit un peu n’importe quoi sur les harkis. Par exemple, je lis sur les panneaux d’une exposition qui circule que l’on avait si peu confiance en eux que lorsqu’ils étaient de garde, on les doublait par un européen, ou que la nuit, en opérations, on enchaînait leurs armes. Tant de contre vérités qui s’appuient en réalité sur de prudentes mises en garde conservées en archives.
Enfin, et c’est peut-être aujourd’hui le plus important, ils n’étaient pas les spécialistes du « sale boulot » de l’armée, comme Rotman pourtant les présente dans « l’ennemi intime », une fiction largement diffusée. Gens du bled, les harkis n’avaient pas connu l’école de la République et sauf cas particuliers, ils ne parlaient pas le français. Ils ne servaient pas comme interprètes.
Claude Lanzmann, directeur des « Temps Modernes » a écrit en 2011 : « Il est nécessaire d’en finir avec les simplifications grossières de la doxa FLN, et de la nôtre, qui n’a pas contribué à l’établissement de la vérité » et il a bien raison.
Les PROMESSES faites aux harkis.
Je veux surtout parler ici de cette promesse solennelle du général commandant en chef en Algérie faite en 1961. Je n’évoquerai pas les « inoubliables » du général de Gaule : «Venez à la France, Elle ne vous trahira pas », ou encore, en cas de sécession, « la France regroupera et établira ceux qui voudraient rester français. » Nous sommes en 1961, et les harkis ne sont pas aveugles. Ils connaissent l’évolution de la situation politique, et en particulier les grandes manifestations de décembre 1960 à Alger. Certains écoutent les discours à la radio et les retransmettent à leurs camarades. Tous sont maintenant inquiets.
Alors le général Crépin, commandant en chef, adresse aux troupes régulières et supplétives, et jusqu’aux petits échelons (plusieurs milliers d’exemplaires), ce message qui marque particulièrement les esprits :
« …Seule une action vigoureuse conduite par les cadres à tous les échelons fera disparaître l’idée que les événements actuels vont aboutir à de sanglantes représailles …et à la victoire du FLN…L’Armée restera en mesure de faire face à ses engagements au delà du référendum de l’autodétermination, quel qu’en soit le résultat. Elle assurera par sa présence le retour à la vie normale de ceux qui combattent à ses côtés »…
Ce message se voulait rassurant, mais en 1961, l’anxiété est désormais tenace. L’armée commence à quitter le bled, en se regroupant sur les grands axes et les centres importants. Des régiments partent pour la France. Des enquêtes ont suivi la révolte des généraux et des officiers sont déplacés. Les relèves régulières rompent aussi la confiance établie. Des harkas et des autodéfenses sont dissoutes. Au cours de l’année, un tiers des harkas seront supprimées. Les harkis étaient 60.000 en janvier. Ils ne sont plus que 41.000 en décembre. Les supplétifs se sentent délaissés, et souvent seuls pour s’informer et se déterminer…Certains auraient voulu pouvoir suivre l’armée. Ce n’est visiblement pas le cas. Et pourtant, ils restent fidèles.
Le ministre des armées continue de son côté de se montrer confiant. Le 30 mai, il affirme dans un message, en diffusion générale : « La France n’abandonnera aucun de ses enfants ! »
Pourtant va prendre forme L’ABANDON que l’on sait.
Le 8 mars 1962, le ministre informe les commandants de régiments des propositions qui vont être faites aux harkis :
1/ l’engagement dans les armées, s’ils sont aptes ; mais c’est alors laisser sur place sa famille et suivre son régiment. On imagine les pressions familiales ! 1.000 s’engageront cependant.
2/ Un contrat de réflexion de six mois, en uniforme, et sans armes. Mais le 19 mars à l’annonce du cessez le feu, le FLN prévient : « Tous ceux qui le 1er avril porteront encore l’uniforme des colonialistes, ou logeront dans leurs postes, signeront d’eux-mêmes leur arrêt de mort. » 2.000 prendront néanmoins le risque.
3/ Le transfert en France (qu’on ne refusera pas si la demande est justifiée par de réelles menaces.) Ils seront, dit-on 1.500 à demander le rapatriement, mais une note précisera, le 26 mars, « ceux qui choisiraient cette voie devront faire l’objet de la constitution d’un dossier prévu dans une note à paraître…Pourtant on sait bien que les harkis sont illettrés.
4/ Reste alors le licenciement avec prime et le retour chez soi. 15.000 harkis partirent sans prendre leur prime, 21.000 l’acceptèrent (370Fr), et souvent la remirent au FLN. Dans leur douars ou leurs villages, ils passent alors sous un contrôle actif du FLN.
Souvent regardés comme vaincus et environnés par l’hostilité générale, les anciens harkis sont maintenant isolés, et cherchent surtout à se faire oublier. Ils vont affronter seuls le désarroi de l’abandon. Dès le mois d’avril, on signalera des enlèvements et des exécutions.
Le gouvernement dira plus tard que les harkis ont préféré rentrer chez eux. C’est évidemment faux. Ils ne pouvaient faire autrement.
Le 11 avril, une directive de Louis Joxe va faire connaître que le transfert en France est toujours à l’étude et qu’il convient de protéger sur place les personnes menacées tout en prenant les dispositions nécessaires pour connaître avec précision les données du problème. Il est peut-être temps !
Certains officiers des SAS tentent alors début mai de prendre eux-mêmes en charge le transfert de leurs supplétifs. La réaction de Louis Joxe sera vive, et on la connaît : c’est ce fameux message 12 mai qui rappelle l’interdiction et prescrit enquêtes et sanctions. Il sera repris le jour même par Pierre Messmer.
Cependant un transmis du message est publié dans le journal « Combat » le 23 mai. Il fait scandale ! Toujours est-il que trois jours plus tard, Pierre Messmer mettra le camp du Larzac à la disposition des rapatriements pour trois mois. Le Plan de rapatriement peut alors être lancé, et les premiers bateaux pour Marseille et Port Vendre partiront le 13 juin. Dix jours plus tard, le camp de Bourg Lastic sera lui aussi ouvert aux rapatriés
Et pourtant dès le 19 juillet, les transferts seront déjà arrêtés, à la demande du ministre des armées qui estime que ses camps étant pleins, il ne peut pas faire davantage. Cette décision sera maintenue pendant tout l’été, malgré les demandes répétées du général de Brébisson à Alger. Partout en Algérie, rapporte la presse, les harkis sont emprisonnés ou livrés à la foule…Les rapatriements ne reprendront que le 19 septembre sur décision de Georges Pompidou Premier ministre.
Une étude de la Mission Interministérielle aux Rapatriés évaluera les supplétifs rapatriés à 20.000 environ et à plus de 60.000, familles comprises. Mais d’autres harkis viendront en France sans passer par les camps.
Quant au massacre des harkis restés en Algérie, il semble qu’il ne sera jamais connu avec précision. Des évaluations retiennent des chiffres de 60.000 à 150.000.
Hommes de fierté et de fidélité, les harkis ont très mal ressenti l’abandon – un rapatriement insuffisant et un transfert trop tardif – tout autant que l’absence de considération dont ils ont été l’objet à leur arrivée en France. Certes, le Président Chirac a reconnu en 2.001 la qualité de leurs services rendus. Mais la blessure est profonde. Les enfants de ces harkis prévoient de manifester à Paris le 12 mai prochain pour exiger la reconnaissance de leur préjudice subi.
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Discours de 2024 des commémorations du 5 juillet 1962
Le 19/07/2024
Discours de Jean-Felix Vallat prononcé ce vendredi 5 juillet 2024:
Monsieur le directeur de cabinet de Mme la secrétaire d’Etat aux anciens combattants et de la mémoire, chargée des rapatriés : Thierry LAURENT
Monsieur le directeur adjoint de l’Office National des Anciens combattants et des Victimes de Guerre, chargé des rapatriés : Général Eric MAURY
Mesdames et Messieurs les parlementaires (Madame la députée Michèle Tabarot, Monsieur le sénateur Philippe TABAROT, Mesdames et Messieurs les élus régionaux, départementaux : François Marie DIDIER, (mairie de Paris)
Messieurs les représentants de l’association des soldats disparus en Algérie SOLDIS : Général Pascal VINCHON
Messieurs les représentants du Président du Secours Français : M. Paul LUNG
Mesdames et Messieurs les Présidents d’associations de rapatriés et de harkis ou leurs représentants et leurs amis métropolitains,
Mesdames et Messieurs,
8 avril 1962 : le peuple français par referendum adoptait à 90,6 % des suffrages exprimés les accords d’Evian signés le 18 mars avec un cessez-le feu fixé au lendemain. En procédant à cette consultation, le Président De Gaulle a ignoré avec superbe l’avis négatif du Conseil d’Etat selon lequel, en excluant du corps électoral les citoyens des 15 départements français d’Algérie-Sahara, la constitution avait été gravement transgressée.
En effet, conformément à l’article 3 de la Constitution sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. Cette disposition traduit en termes simples un principe cardinal de la République : la souveraineté du peuple est indivisible et aucune fraction de celui-ci ne peut s’approprier son exercice.
1er juillet 1962 : un referendum organisé en Algérie ratifie les accords d’Evian avec 99,72 % des suffrages exprimés. Ce score, semblable à celui obtenu dans les pays ou la démocratie est un simulacre, comporte un résultat affaibli par l’exode progressif des européens (450.000 départs en mai-juin) et le déchainement des violences (469 civils européens assassinés par le FLN après le 19 mars et 651 civils portés disparus entre la même date et le 1er juillet.
5 juillet 1962 : c’est Oran qui bascule dans l’épouvante. Dans la passivité coupable de l’armée française dans le Grand Oran, c’est 353 personnes disparues, 362 personnes dont le décès a été constaté, et en tenant compte des cas incertains, on dénombre 700 victimes européennes disparues ou assassinées au cours des journées dramatiques d’Oran entourant la célébration de l’indépendance par le FLN.
Le président de la République à l’Elysée le 26 janvier 2022, en recevant les rapatriés d’Algérie, a déclaré que le massacre du 5 juillet 1962 devait être regardé en face et reconnu.
Je fais mienne cette perspective et souhaite sa mise en œuvre pour apaiser la souffrance des familles des enlevés, ni morts ni vivants, ensevelis dans les limbes d’un inacceptable oubli.
Pour les tenants d’un anticolonialisme fanatique et sans nuance, pour qui le FLN avait toute légitimité pour utiliser la violence la plus extrême alors que les européens d’Algérie devaient s’abstenir de toute résistance à l’expulsion de leur terre natale, le 5 juillet est un épisode accessoire. En revanche ils se réjouissent de l’adoption par l’Assemblée nationale de la résolution du 24 mars 2024 demandant au gouvernement la création d’une journée annuelle de commémoration de la répression brutale de la manifestation algérienne du 17 octobre 1961 à Paris.
Les rapatriés qui sont les survivants ou les héritiers de cette France de l’autre côté de la Méditerranée sont fondés, sans esprit de revanche mais avec la force de leur bon droit, de souhaiter que la reconnaissance par le Chef de l’Etat du massacre du 5 juillet 1962 aboutisse à la création d’une journée nationale dédiée à tous les disparus, civils, harkis et militaires de la guerre d’Algérie.
Enfin, nous avons choisi cette date symbolique du 5 juillet pour ouvrir officiellement au public internaute l’accès au site "Graines de Mémoire". Ce beau projet est le fruit d’une collaboration de plus de deux ans entre le GRFDA (Groupe de Recherche des Français Disparus en Algérie), la MAFA (Maison des Agriculteurs et des Français d'Afrique du Nord), et l’Association Soldis Algérie, avec le soutien sans faille de la Fondation pour la Mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie pour sa conception et sa mise en œuvre. Nous remercions également les donateurs qui ont permis la finalisation du projet, particulièrement le ministère des Armées, la Fondation pour la Recherche Historique sur l’Algérie et l’Afrique du Nord (FRHA), le Secours de France ainsi que d’autres nombreux donateurs, associations ou particuliers. Cette initiative a pour vocation de mettre à l’honneur les victimes militaires et civiles français d’Algérie durant le conflit de la guerre d'Algérie, afin que leurs noms ne soient jamais oubliés. Site interactif, comprenant des documents certifiés par des institutions nationales et internationales, il met à disposition une plateforme innovante dédiée aux personnes disparues pour faire connaitre leur souffrance en y accédant à partir de n’importe quelle région du monde. Il a également l’ambition de leur apporter une sépulture digitale qui permettra à leur famille d’aller s’y recueillir.
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